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Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006

Crise de la gauche

Revenir à Marx pour redonner tout son sens à la gauche
  .par Jean-Paul LEGRAND

Ce que revêt le concept de gauche est très divers et de nombreuses acceptions peuvent en être données. Je pense qu'il faut resituer ce concept dans des situations historiques et géographiques précises. Ainsi la gauche des Etats-Unis n'est pas de même nature que la gauche française du fait même que la France a connu une influence du PCF qui a imprégné toute la culture et les traditions de la gauche de notre pays. Ceci étant, je crois qu'on peut dire qu'en général, la gauche peut se définir en rapport à tout un corpus de valeurs dans lesquelles des millions de gens se sont reconnus à travers les luttes des deux derniers siècles : la paix, l'amitié entre les peuples, l'antiracisme, la lutte anticoloniale, l'abolition de l'esclavage, le mouvement coopératif, le syndicalisme de classe, la laïcité, l'autogestion, le féminisme, etc..Bref tout ce qui en s'opposant aux "eaux glacées du calcul égoïste" considère que le développement de l'humanité passe par le développement de chaque être humain. Pour moi la  gauche ce sont tous ces hommes et femmes qui rejettent l'idée d'une fatalité des inégalités sociales, qui  se donnent pour objectif d'agir sur les causes de celles-ci,  qui combattent l'idéologie selon laquelle elles auraient des causes naturelles indépendantes des hommes, qui travaillent pour que la société devienne comme disait Karl Marx" une association où le libre développement de chacun soit la condition du libre développement de tous. 

Le Parti socialiste en France s'est réclamé depuis longtemps de la gauche. Or depuis plusieurs années il a abandonné sa thèse des nécessaires réformes pour dépasser le capitalisme pour adhérer à celle de la régulation du capitalisme. On a vu dans la logique de cette évolution, la plupart des dirigeants de ce parti adopter sous couvert de réalisme ce que certains ont nommé le social-libéralisme et même un nombre non négligeable d'entre eux rejoindre le gouvernement de droite. Autrement dit le P.S a opté pour un accompagnement du capitalisme qui consiste à trouver les meilleurs moyens pour que les diverses forces sociales collaborent, trouvent un "modus vivendi" qui serait supposé permettre au capitalisme d'être moins sauvage. Mais la réalité contredit chque jour cette thèse, le capitalisme développe une inhumanité sans précédent dans l'histoire touchant les plus larges masses d'individus sur la planète partout où il n'y a pas une volonté majortitaire des peuples à rompre avec lui dans encore de trops rares endroits comme le Venezuela ou Cuba. 

De son côté,  victime idéologique de l'écroulement des sociétés de l'Est qui se réclamaient du communisme, déstabilisé par les rapides modifications sociologiques intervenues dans la classe ouvrière notamment avec les  mutations qui ont eu cours dans le travail ces dernières décennies, et affaibli par ses  difficultés à théoriser ces évolutions pour en tirer des enseignements et des conséquences pratiques quant à ses formes d'organisation  et quant à ses alliances,  le Parti communiste a connu une baisse d'influence considérable  même si il se donne toujours comme objectif  le dépassement du capitalisme et qu'il a procédé à une avancée théorique majeure sur la démocratie la considérant comme le moteur et le  but de la transformation.

Les organisations troskystes, quant à elle, se réclamant de la rupture avec le capitalisme, n'ont pas davantage pris en compte les évolutions de la nouvelle classe ouvrière et n'ont que très peu avancé sur le plan théorique, la plupart étant même très en retard sur le parti communiste concernant les questions relatives à la démocratie considérée comme but et comme moyen de la transformation sociale. Même si une organisation comme la LCR a pu progresser sur le plan électoral en bénéficiant de la crise de la gauche traditionnelle, elle  reste prisonnière d'une stratégie qui place la création d'un parti de la gauche radicale en termes politiciens de positionnement vis à vis du Parti socialiste éloigné de l'idée fondamentale de mouvement populaire majoritaire sans lequel il ne peut y avoir de transition au socialisme.

Pour autant si les valeurs de gauche perdurent du fait de la portée historique de la Révolution française, des grandes luttes et conquêtes sociales notamment celles issues de la la Résistance, les idées de transformation sociale  pour des secteurs entiers de la société  peuvent aujourd'hui paraître  comme dépassées car elles semblent davantage provenir du passé que d'apporter une compréhension du présent. Or si le présent ne peut s'appréhender qu'à partir de l'histoire, force est de constater que les forces démocratiques n'ont pas placé comme priorité de l'éducation populaire la question de la transmission des savoirs historiques et notamment de l'histoire de la classe ouvrière, des mouvements d'émancipation, en particulier des luttes anti-coloniales, anti-impérialistes. L'analyse  sérieuse de l'échec des pays dits communistes reste elle aussi une affaire très confidentielle et pour l'instant la gauche n'en a que très peu popularisé des enseignements  qui sont pourtant indispensables au mouvement populaire pour ne pas reproduire les erreurs du passé : entraîné par le courant de l'idéologie dominante néo-libérale on s'est souvent limité à gauche à assimiler cet échec à celui du communisme. Dans ce contexte, les forces réactionnaires des complexes médiatico-idéologiques ont entrepris une vaste entreprise  contre les valeurs de gauche, contre toutes les idées progressistes en favorisant un nouvel obscurantisme, allant jusqu'à  contester voire censurer la pensée scientifique, le matérialisme philosophique, et tout particulièrement le marxisme en l'assimilant aux régimes qui se sont dits communistes mais dont la pratique d'un "marxisme" qui n'en avait que le nom  les a conduits au terrible échec historique que l'on connait.  

Le recul du marxisme vivant comme outil théorique et pratique pour comprendre  et transformer le monde  est l'une des difficultés pour générer une connaissance dialectique  des mouvements sociaux, une compréhension de la lutte des classes dans ce capitalisme mondialisé, qui devient de plus en plus un carcan pour la révolution informationnelle et technologique en cours, laquelle mobilise des centaines de millions d'être humains et modifie en profondeur leur place, leur rôle  au sein des forces productives de notre temps.

La gauche est donc à la croisée des chemins : ou bien elle se régénèrera dans un sursaut par lequel, à la lumière du marxisme et de toutes les pensées progressistes, de nouvelles idées révolutionnaires et d'émancipation deviendront l'affaire de millions d'hommes et se transformeront en luttes démocratiques et  libératrices ou bien elle ne sera plus qu'un vestige de la société capitaliste industrielle laissant la place à un capitalisme mondialisé essentiellement financier générateur de guerres, des pires violences de masse et d'une exploitation de l'humanité jamais atteinte.
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