Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006
3 Mai 2007
Le Parti communiste va-t-il disparaître ?
par Jean-Paul Legrand (article paru sur http://bellaciao.org)
Certains pensent que l’horizon du capitalisme est indépassable. La réalité semble leur donner raison. En effet jusqu’à ce jour toutes les tentatives de construire une société fondée sur un type de développement où domine la coopération entre les hommes ont échoué. Les raisons de ces échecs sont multiples et doivent être étudiées par ceux qui n’abandonnent pas cet objectif.
Il faut revenir à quelques idées fondamentales : l'histoire est celle de la lutte des classes : il n' y a aucun fatalisme à la reproduction d'un ordre social, il y a des conditions historiques, dans lesquelles les hommes peuvent selon leur action, leur engagement, modifier l'ordre social existant. L'intervention des gens de différentes classes en convergence et en opposition peut se transformer en une force matérielle telle que de l'ancienne organisation de la société peut en naître une nouvelle, radicalement différente, comme cela s'est produit par exemple avec la révolution française. Nous vivons depuis plusieurs décennies cette phase du capitalisme mondialisé où s'élargissent les conditions de la création de cette classe anti-capitaliste, qui recherche par de multiples expériences sociales une expression et une perspective politique dans des soubressauts, des avancées et des reculs que manifeste la crise politique profonde que nous connaissons. Ainsi la France est sans doute l’un des pays au monde où la conscience que le capitalisme est contradictoire au développement humain est partagée par des millions de gens. Cependant ces mêmes personnes ne sont pas pour autant convaincues qu’il existe les moyens, les possibilités de résoudre cette contradiction. La lutte pour la démocratie permanente à tous les niveaux est le but et le moyen le plus efficace pour parvenir à la résolution de cette crise. Or pour obtenir des progrès dans cette lutte, le mouvement populaire en France doit se dégager de certaines pratiques qui désaisissent les gens des décisions, ou qui les piègent dans des institutions antidémocratiques favorisant une bipolarisation entre une gauche d'accompagnement du capitalisme et une droite représentant directement les intérêts du capital.
Pour cela les classes doivent passer de leur seule existence économique à une conscience politique que cette existence est en mouvement et non donnée une fois pour toute. L'idée de transition historique devient alors une idée partagée par le plus grand nombre. Autrement dit à notre époque tous ceux qui sont exploités plus ou moins par le capitalisme, pour se libérer de cette exploitation, doivent travailler en convergence pour se constituer en tant que classe anti-capitaliste. Une classe anti-capitaliste consciente que si son devenir est lié à l’évolution du capitalisme, il l’est aussi à sa capacité à disputer aux capitalistes le droit de devenir la future classe dominante qui gèrera la société à leur place.
Cette classe anti-capitaliste qui comprend une grande diversité sociale et politique, qui est confrontée en son sein à des contradictions multiples, a besoin pour se libérer de trouver un mode de constitution qui va lui permettre de se réaliser en tant que classe révolutionnaire : ce mouvement est la lutte multiforme pour la démocratie permanente à tous les niveaux de la société et à l'échelle planétaire.
Cette lutte, ce mouvement parsemé de contradictions, cette recherche par des millions d'hommes sur la planète d'une civilisation portant l'être humain au centre de son développement, ce phénomène qui part de la tentative de transformer les rapports sociaux dominés par le capitalisme en nouveaux rapports sociaux libérés de sa domination est ce qu'on peut appeler le communisme.
C'est ainsi que, pour paraphraser Molière qui, dans le bourgeois gentilhomme fait dire à M. Jourdain qu'il fait de la prose sans le savoir, des millions d'hommes font du communisme sans le savoir et parfois même s'offusqueraient qu'on le leur dise, tant le mot "communiste" a été entâché par les crimes des régimes staliniens qui se sont réclamés du marxisme en le "dogmatisant", en pervertissant le concept originel du communisme, en écartant les citoyens de la connaissance de la réalité sociale et de l'étude des illusions qui découlent de cette réalité. Ainsi on peut considérer qu' un homme d'église qui par sa foi s'engage aux côtés d'ouvriers pour agir en faveur de la démocratie au sein de l'entreprise, pour contester l'ordre capitaliste pour construire avec ses camarades la démocratie dans le travail, on peut estimer que cet homme fait du communisme. Participer au mouvement de libération humaine n'est pas spécifique aux communistes, mais tout ce qui s'oppose au capitalisme par la démocratie porte en germe la tendance à ce qu'on peut nommer le communisme.
Le capitalisme, en développant considérablement les forces productives matérielles et intellectuelles contient en lui la potentialité du communisme. Celui-ci pré-existe tendenciellement dans le capitalisme , il est potentiellement son devenir, à condition que l'immense masse des hommes de la planète d'exploités qu'ils sont aujourd'hui luttent pour devenir les décideurs de la société. Le communisme n'est pas une vue de l'esprit, il est à partir de l'étude critique du capitalisme, la continuité historique du capitalisme tout en opérant un renversement en son sein qui est celui du pouvoir de classe, la classe anti-capitaliste devenant la classe dominante, s'auto-organisant pour libérer les énergies créatrices du travail qui jusqu'ici étaient aliénées par le capital.
Dans cette lutte, le capitalisme ne reste pas l’arme au pied. Ses idéologues, ses défenseurs, utilisent toutes les contradictions qui existent au sein même du mouvement populaire. Ainsi il encourage le développement du courant social-démocrate ou celui du social-libéralisme représenté par des partis qui se réclament de la gauche ou du socialisme mais qui refusent lorsque le moment est venu et qu’ils en ont la possibilité d’engager des réformes structurelles qui mettent en cause la domination du capital.
C’est pourquoi se justifie l’existence d’ un parti révolutionnaire dont l’objectif doit être de créer les conditions politiques pour que la classe anti-capitaliste se constitue en classe autonome du capital et conquiert par la démocratie sa place hégémonique dans la société. C'est l'enjeu de l'existence d'un parti communiste.
A la question, le parti communiste français va-t-il disparaître ? On peut répondre que dans un certain sens que ce qui va tendre à disparaître c’est certainement tout ce qui durant des décennies a porté la marque du stalinisme dans le communisme français et qui l'a desservi en le discréditant aux yeux de millions de personnes qui pourtant se considèrent de gauche. Ce qui s’épuise historiquement c’est la stratégie qui consistait à vouloir créer une gauche politique de transformation sociale (programme commun, union de la gauche, gauche plurielle, etc…) indépendamment de l’objectif fondamental qui est d’abord et avant tout l’autonomie du peuple pour se constituer en classe anti-capitaliste consciente des possibilités de son devenir, définissant elle-même ses objectifs politiques, choisissant elle-même les outils politiques dont elle a besoin (partis politiques, institutions, etc….), autrement dit une stratégie qui se voue entièrement à favoriser une intervention populaire démocratique et permanente. Une intervention démocratique déjouant la violence de classe, promouvant une praxis de la non-violence comme moyen de lutte et perspective de civilisation.
Dans ces conditions le rapport aux personnes qui constituent diversement cette classe anti-capitaliste s’en trouve rehaussé, valorisé, il devient une tâche prioritaire de l’action communiste. Sans l’apport politique, théorique et pratique, du parti communiste à des millions de gens qui sont confrontés directement aux questions de leur devenir et de celui de leurs enfants et petits-enfants comme à celui plus global de l’Humanité, sans l’apport des citoyens eux-mêmes, pris dans leur universalité mais aussi dans le respect de leur spécificité, à la réflexion des communistes, sans ce rapport dialectique quasiment quotidien pour construire une nouvelle conscience de classe révolutionnaire, l’existence d’un parti communiste n’aurait plus de sens, le parti communiste disparaitrait.
La réponse à la question dépend donc des choix que vont opérer ceux qui dans le parti communiste participeront au congrès annoncé d'ici la fin de l'année, choix qui devront découler d'un large débat démocratique au sein du parti mais aussi avec la société, mais la réponse dépend aussi de ceux qui se considérant communistes sans être membres du parti souhaitent rejoindre ce débat et le cas échéant s'engager dans ce qui sera certainement un nouveau parti communiste affirmant son identité révolutionnaire du XXIeme siècle. (Photo : des jeunes communistes portant le drapeau rouge au dernier meeting de campagne de Marie-George Buffet à Marseille, le 20 avril 2007)
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