Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006
13 Mai 2007
« Le travail c’est la liberté, c’est l’égalité des chances, c’est la promotion sociale. Le travail c’est le respect, c’est la dignité, c’est la citoyenneté réelle. Avec la crise de la valeur travail, c’est l’espérance qui disparaît. Comment espérer encore si le travail ne permet plus de se mettre à l’abri de la précarité, de s’en sortir, de progresser ? Le travailleur qui voit l’assisté s’en tirer mieux que lui pour boucler ses fins de mois sans rien faire ou le patron qui a conduit son entreprise au bord de la faillite partir avec un parachute en or finit par se dire qu’il n’a aucune raison de se donner autant de mal. Le travail est dévalorisé, la France qui travaille est démoralisée.
Le problème c’est que la France travaille moins quand les autres travaillent plus. Le plein emploi est possible chez les autres. Il l'est aussi chez nous. Il faut aimer le travail et pas le détester. Le problème c’est qu’il n’y a pas assez de travail en France pour financer les retraites, l’allongement de la durée de la vie, la dépendance, la protection sociale, pour faire fonctionner notre modèle d’intégration.
Longtemps la droite a ignoré le travailleur et la gauche qui jadis s’identifiait à lui a fini par le trahir. Je veux être le Président d’une France qui remettra le travailleur au cœur de la société. Je veux proposer aux Français une politique dont le but sera la revalorisation du travail. »
Discours de M. Nicolas Sarkozy, le 14 janvier 2007
Traduction et interprétation du discours de M. Sarkozy
Le travail dans la société capitaliste c'est la liberté d'exploiter.
Le travail dans notre société c'est la liberté pour un capitaliste d'exploiter les travailleurs, c'est l'inégalité entre les salariés, c'est la possibilité d'être licencié et exclu à tout moment. Le travail dans la société capitaliste c'est l'humiliation imposée par les patrons ou les chefs, c'est l'interdiction de la démocratie à l'entreprise.
Avec le capitalisme le travail devient une marchandise utilisée par les patrons pour exercer un chantage sur les travailleurs, d'un côté ceux qui doivent travailler aux conditions des capitalistes, de l'autre l'armée des chômeurs qui est à leur merci. Les capitalistes utilisent l'opposition entre les deux catégories pour que se maintienne la domination capitaliste.
Les capitalistes font croire alors que si il y a tant de chômeurs c'est qu'il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas travailler, voire même qui détestent le travail. Mais de quel travail parle-t-on ? Peut-on aimer un travail où l'on est à la merci d'un patron qui vous donne des ordres, sans jamais vous demander votre avis ? Ou pire lorsqu'il vous demande votre avis, c'est sur du détail, mais jamais sur la stratégie de l'entreprise qui est du domaine réservé des seuls capitalistes. Vous travaillez, vous connaissez votre travail mais pour les capitalistes vous êtes incapable de comprendre l'économie et surtout pas la gestion d'une entreprise qui est leur chasse gardée. Ils vous disent pourtant que le travail rend libre : un travail répétitif, voire présentant des conditions dangereuses, un travail pénible rendrait libre ? Un travail où l'on sait qu'il va produire 20 fois plus de richesses que le salaire qu'on en sera payé et que ce profit ne servira qu'à enrichir la capital mais jamais la société ce serait la liberté ? Un travail qui est placé sous une épée de Damoclès car le patron peut vous licencier à tout moment ce serait l'émancipation ?
Les capitalistes font croire aussi que l'ensemble de ceux qui travaillent ne travaillent pas assez en comparaison aux autres salariés des autres pays et que c'est de cela que viendraient les difficultés du pays. C'est la mondialisation du marché du travail. Pour les capitalistes pas question de créer des emplois, car créer des emplois cela côute trop cher à leur capital, il faut donc avec la même force de travail globale, l'exploiter au maximum pour en tirer le maximum de profit, d'où l'idée des heures supplémentaires.
Dans ces conditions les capitalistes expliquent aux chômeurs qu'ils auront peut être une chance d'avoir du travail si ceux qui travaillent sont un peu moins "fainéants" et acceptent de faire des heures supplémentaires pour créer davantage de richesses.
Ainsi ceux qui travaillent ont toutes les raisons de penser que si le pays ne s'en sort pas c'est à cause des chômeurs qui ne voudraient pas travailler et les chômeurs que c'est à cause des travailleurs qui ne travaillent pas assez.
Le discours Sarkozyen tient dans cette division, cette opposition caricaturale entre les chômeurs, les précaires et les travailleurs. Jamais n'est évoquée la lutte de classe, la division réelle entre ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui ne possèdent que leur force de travail. Car cette lutte de classe est le cauchemar des capitalistes qui voudraient faire disparaître cette réalité des esprits comme M. Coué dirait à un cancéreux en phase terminale "votre cancer n'existe pas, allez en paix !"
Pendant longtemps la droite était en difficultés sur le terrain idéologique à propos des questions du travail. C'était l'époque d'une forte présence du PCF dans la réalité politique française. Les idées marxistes pénétraient la classe ouvrière et une grande partie du peuple, elles permettaient d'éclairer les militants syndicaux et politiques sur les réalités de l'exploitation capitaliste et leurs évolutions. Pour la droite c'est le moment de reprendre l'offensive idéologique d'autant qu'une brèche s'est ouverte avec la destructuration du monde du travail, la désinsdustrialisation, et que dans cette situation le marxisme organisé a considérablement reculé. Pourtant c'est bien le marxisme vivant qui peut donner des clefs de compréhension sur les évolutions du capitalisme. La droite a réussi à convaincre des millions de gens parce qu'une grande partie de la gauche a abandonné le travail de recherche marxiste et a laissé le terrain idéologique aux pires idées mystificatrices sur le capitalisme et ses évolutions.
Parce que la réalité de ces évolutions n'a pas été suffisament appréhendée par ceux qui ont besoin de transformer le monde. Hélas, bien souvent parce que ces militants, ces citoyens n'ont pas beaucoup de temps pour s'engager en politique occupés qu'ils sont à gagner leur vie (d'où la necessité d'un parti révolutionnaire), alors que les capitalistes, eux ont ce luxe d'avoir le temps et les moyens de travailler les questions idéologiques pour défendre leur domination.
Mais si la droite et les capitalistes peuvent faire croire que le capitalisme est un système indépassable comme d'autres ont soutenu mordicus que le soleil tournait autour de la terre, il appartient aux révolutionnaires de notre temps de démontrer que le capitalisme n'est qu'un moment historique qui crée sa propre négation, comme d'autres en leur temps ont démontré que malgré les apparences, c'est bien la terre qui tourne autour du soleil.
Car la vérité ne montre qu'un bout de son nez dans les apparences, le reste étant caché par nos illusions.
Jean-Paul Legrand
Photo : Entrée d'un camp de concentration nazi avec l'inscription "le travail rend libre". Ceux qui utilisent le concept de travail pris comme une abstraction en dehors de toute analyse économique sociologique et historique sérieuse, accompagnent volontairement ou involontairement des idéologies trompeuses pour ceux qui n'ont justement que leur force de travail pour vivre .
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