Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006
23 Avril 2019
Ce n’est un secret pour personne qu’aujourd’hui comme hier lorsque je fus élu pendant 18 ans j’ai toujours affirmé mon engagement révolutionnaire. Depuis 2009, j’ai écrit de nombreux articles sur la question de la transformation de la société non comme une utopie mais comme la résultante logique des contradictions du capitalisme. J’ai écrit en 2011 un article qui annonçait que les probabilités d’engagement révolutionnaire du peuple étaient grandes me fondant sur l’observation des évolutions au sein de l’appareil politique et économique du pays. Je pensais que malgré les bureaucraties syndicales et la trahison de la gauche politique des années Mitterrand et suivantes, le mouvement partirait de la classe ouvrière organisée. Or le mouvement des Gilets Jaunes est parti pour l’essentiel de la classe ouvrière non organisée en syndicats et partis, de cette frange du peuple très importante numériquement très précarisée et exploitée, à la limite de sa capacité à reproduire sa force de travail étant agressée dans son corps par des emplois très souvent extrêmement durs et pénibles, l’éloignement domicile-travail, la crainte de ne pouvoir manger ou celle de se retrouver à la rue, la douleur de ne pouvoir offrir à ses enfants le minimum vital pour bien travailler à l’école, la peur de tomber malade et de pas pouvoir travailler, etc...
Le soulèvement des Gilets Jaunes a vite montré à ses acteurs la nature du pouvoir en rien démocratique puisque ce pouvoir de classe a rejeté d’emblée toute satisfaction de revendications de base et s’est livré dès les premières manifestations à une répression policière très dure. Des lors l’exigence de la démission de Macron et celle très politique du RIC n’ont cessé de marquer ce soulèvement. De rares intellectuels ont soutenu voire rejoint le soulèvement apportant une leur réflexion sur la réalité des relations entre les individus du pouvoir et l’imposture macronienne comme l’a fait Juan Branco avec son livre CRÉPUSCULE qui non seulement a été vendu à 70.000 exemplaires mais est lu par beaucoup plus de monde puisqu’il est telechargeable gratuitement pour de nombreuses personnes qui n’ont pas les moyens. Sans doute beaucoup de personnes découvriront avec ce livre, que les gens de la caste des multinationales et des directions politiques entretiennent des relations permanentes dans le but de conserver leur domination de classe. On ne pourra cependant pas avec un travail comme celui-ci, que l'on prendra sur le plan de témoignage, apporter une analyse et un recul sur la nature même des contradictions qui sont à l'oeuvre dans la société française, car il ne faut pas à mon sens réduire les affrontements sociaux et politiques à des questions de personnes, voire même à des questions de groupes sociaux indépendamment des évolutions structurelles et en première instance celles de l'économie et des technologies de toute la société et du monde.
Les gilets jaunes n’ont pas bénéficié d’une solidarité durable des forces politiques. Le RN et LR ont lâché leur soutien dès qu’ils ont vu qu’ils ne pouvaient instrumentaliser le mouvement. Seules la LFI, le NPA, le PCF et quelques organisations gauchistes ont maintenu ce soutien mais le jeu institutionnel dans lequel s’inscrivent ces organisations crée un certain scepticisme ou méfiance des Gilets Jaunes peu ou pas politisés au sens classique du terme. Pourtant si il y a une politisation citoyenne forte ces derniers mois, c’est bien dans ce soulèvement car il est une somme d'actions concrètes de milliers de gens, dont l'une essentielle est d'avoir permis de briser l'isolement et la rencontre de personnes qui se croyaient seules à vivre l'exploitation et à en arriver même à culpabiliser,.
Cette première mise en commun de reconnaissance de chacun que l'autre, les autres vivent aussi les mêmes problématiques que soi est une avancée politique majeure en tant que refondation de la conscience de classe, même si elle reste pour le moment à l'état de proto-conscience car c'est par l'action que les citoyens continueront de déployer que la nature même du pouvoir capitaliste peut et va se révéler à des millions de gens. Ainsi bien des acteurs de ce combat refusent désormais de considérer qu’un avenir viable puisse se réaliser dans le cadre des institutions actuelles et l’exigence du RIC n’en est que plus pertinente. C’est parce qu’il existe cette perspective du RIC comme première mais fondamentale réponse démocratique et que les Gilets Jaunes savent que l’oligarchie ne peut l’accepter, que l’exigence de la démission de Macron reste pérenne. Or il y a une manifeste contradiction entre la tenue des échéances électorales institutionnelles et l’exigence du RIC impossible sans la démission de Macron et une Assemblée nationale constituante.
On a une opposition forte entre deux logiques, une contradiction de nature révolutionnaire puisque les contestataires ne se situent plus dans le cadre institutionnel qui domine mais dans le combat pour l’instauration d’un nouveau régime qui accorderait au peuple un droit de démocratie participative et directe tout à fait inédit et d'abord un droit de décider comment il pourrait décider. (Législatif, constitutionnel, abrogatoire et révocatoire). C’est en l’occurrence un objectif éminemment révolutionnaire qui ne sera jamais accepté par le pouvoir des oligarques puisqu’ils savent très bien que ce RIC conduirait le peuple à maîtriser totalement sa souveraineté, c'est à dire en dehors des institutions actuelles et dans le cadre d'institutions qui seraient elles-mêmes créées par le peuple dans le cadre d'une Constitution qu'il écrirait lui-même.
. C’est donc dans cette situation politique extra ordinaire que se trouve la France en ce moment. Il est possible que le mouvement des Gilets Jaunes ne puisse trouver une stratégie qui lui permette de durer et de vaincre dans l'immédiat mais sa radicalité semble être le facteur de ralliement et d’identification puisque depuis 30 ans toutes les réformes se sont soldées par des politiques contre le peuple et que les gens pour un très grand nombre considèrent qu’il faut un bouleversement véritable. C’est pourquoi il est aussi possible que le mouvement se développe et grandisse partout puisque dans le fond le macronisme sera incapable de répondre aux grands défis posés par le peuple et que la révolution qu’il avait promise n’était que du vent électoral ou plutôt une révolution réactionnaire jamais vue portant à son paroxysme un ultra-libéralisme destructeur de la société qui avait conquis des droits extrêmement avancés avec le combat de la résistance, de la Libération et des luttes qui ont suivi . Ce pouvoir est et sera en effet Incapable d’apporter les réponses attendues par le peuple car il n’est en rien l’émanation du peuple mais celle d’une classe prédatrice qui exigera de Macron encore plus de répression, voire d’une violence encore plus forte pour tenter d’écraser ce début de révolution.
Mais même dans l’hypothèse d’un recul du mouvement, ce ne serait qu’un moment tactique. Car ce qui compte désormais c’est la capacité à ce mouvement volontairement et justement sans leader de construire une stratégie qui rassemble le peuple au delà des gilets jaunes et qui ne cesse d’assaillir le pouvoir en place et l’oligarchie par des actions diverses dénonçant leur prédation, leurs magouilles, leurs détournements de la richesse nationale pour leurs intérêts particuliers, leur mépris des travailleurs et du peuple. Une stratégie révolutionnaire doit anticiper l'action et tirer les leçons de celle-ci, elle doit la théoriser pour l'arracher à toutes les interprétations qu'en feront les idéologues de la classe dominante pour créer le désespoir et la résignation. Salir l'action du peuple, le rabaisser, le faire douter fait partie de l'arsenal idéologique de l'adversaire. Au contraire, il est urgent que les peuple se donne ses propres outils théoriques afin de mesurer les perspectives possibles de son action.
Nous vivons très certainement le début d’un affrontement qui durera des mois voire des années pour que le pouvoir capitaliste soit renversé et que le peuple maîtrise son destin et sa souveraineté. Cela se fera par la rue et par les élections car seule une voie véritablement démocratique pourra développer une politique révolutionnaire pour l'émancipation du peuple, par le peuple.
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