Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006

LE COMMUNISME FRANÇAIS ET LE TOURNANT STRATÉGIQUE DU CAPITALISME DANS LES ANNÉES 70 

 

Il y a beaucoup de vérité dans cette scène qui réunit des copains au repas dominical du film « Vincent, François, Paul et les autres » que vous pouvez regarder sur le lien en bas du présent texte. 

 

Le capitalisme qui avait besoin de briser le compromis historique et contradictoire du CNR entre Gaullistes et communistes a réussi après 1968 à préparer l’évolution du mode de production bourgeois industriel au mode d’une production nationale  plus axée sur les services et  la finance. Même si la production industrielle était transportée progressivement à l’étranger pour une part, la stratégie des forces du capital a consisté à présenter son monde des choses à l’ensemble de la société, ce que je nomme la chosification marchande de la société, comme le but ultime de la vie : devenir propriétaire et posséder même des choses non essentielles comme affirmation de la réussite sociale. Le capitalisme a installé le monde des produits à acquérir comme une séduction. Cependant la multitude de ces marchandises fut réservée aux plus aisés mais pour la plupart inaccessibles aux prolétaires sauf pour des marchés fondamentaux permettant la reproduction de la force de travail : pour qu’ils aillent au boulot se faire exploiter (voiture, carburant) ,s’endoctriner (télévision, puis portable) et dépenser leur maigre salaire (supermarché, alimentation industrielle). 

 

Et puis il y a parmi les travailleurs ceux qui ont cru se détacher de leur condition prolétarienne, qui ont pu améliorer leur vie matérielle et qui ont eu l’illusion que le capitalisme leur apporterait le bonheur par la possession des choses produites sur les seuls critères du patronat sans que les travailleurs ne puissent en discuter collectivement  la pertinence écologique et sociale, notamment l’urbanisation excessive dévoreuse de surfaces cultivables avec  la construction de maisons individuelles ou/et de campagne avec souvent des piscines aquavores  (mais avec un crédit payant) et les vacances à l’étranger qui ont développé les échanges aériens carbonés (club-med) et par ailleurs posant des problèmes d’urbanisme et d’aménagement du territoire  gigantesques de stationnement et de circulation automobile dans les métropoles. 

 

C’est cette partie du monde du travail qui pourra consommer, celle de cette « aristocratie ouvrière », la partie plus aisée matériellement que l’autre qui pourra se payer ce que les producteurs les plus pauvres, dont beaucoup d’immigrés mais pas seulement, produiront mais ne consommeront jamais ou rarement. Cette partie du prolétariat que l’idéologie capitaliste assimilera à la petite bourgeoisie, qui elle-même se pensera bourgeoise alors qu’elle n’est que la fraction prolétarienne nécessaire à la division du vaste camp des travailleurs ayant a contrario tous intérêt à s’unir pour un mode de production autre que le capitalisme, celui qui suffisamment développé  technologiquement et démocratiquement  permettra de socialiser le travail gratuit, de l’arracher à la privatisation capitaliste et d’offrir à l’humanité un développement sécurisé et écologique. 

 

Cette stratégie des années 70 s’appuiera donc sur la séduction du capitalisme et fonctionnera ainsi plusieurs décennies sur des couches du salariat les plus aisées les amenant à l’idéologie du nouveau capitalisme assimilant ce dernier à  la liberté par la possession de tel ou tel produit, allant jusqu’à, pour des produits similaires, en promouvoir certains par la marque et la mode, en créant le snobisme de se distinguer des autres  non seulement par la possession mais par la possession de la marque en vogue. 

 

Cette séduction fonctionnera aussi sur les couches prolétariennes pauvres pour qu’elles tentent de passer vers la couche prolétarienne plus aisée au prix de sacrifices voire de compromissions et d’acceptations des critères bourgeois de concurrence, d’acceptation des inégalités et de l’exploitation comme fatales. 

 

Cette stratégie du capital, vue en son temps par le philosophe Michel Clouscard, a fonctionné. Son corrolaire politique a été le libéralisme libertaire, ou ce qu’on a nommé aussi le social-libéralisme mitterando-hollandien initié par des démagogues comme Cohn Bendit et continué par Bernard Tapie puis poursuivi par les populistes de la mélanchonie. 

 

La classe capitaliste avait vu juste : dans son impossibilité de détruire de front les organisations de classe qu’étaient la CGT et le PCF, il lui fallait inventer une stratégie qui ferait naître une gauche du compromis, celle qui agiterait le drapeau rouge tout en négociant le poids des chaines  pour détruire l’oeuvre du CNR. Et de l’autre assurer ses arrières avec la promotion de la famille Le Pen puis du nigaudche -nidroite en la personne de Macron. 

 

Ce fut alors du pain-béni pour le capital que le PCF s’engouffre dans une tentative de sabordage s’arrimant à la  mélenchonie avec la bande issue de l’huisme (Robert Hue et consorts) qui a réussi à détruire ce qui donnaient au PCF sa crédibilité et son efficacité : les cellules communistes et la formation des militants au marxisme vivant, sa vision théorique lié à sa pratique sur le terrain de la lutte des classes acquise durant ses 50 premières années d’existence. 

 

Pour le capital il fallait plonger impérativement  les prolétaires sous l’emprise ideologique de la caricature sociale, du monde manichéen où les travailleurs devenaient « les incapables de diriger » et les riches « les surdoués de la société ». On a parlé ainsi des « élites » d’un côté et des « sans-dents » de l’autre et les médias capitalistes se sont mis à l’oeuvre pour détruire tout instrument de pensée critique en transformant les débats en pugilats, où la passion feinte ou pas l’emporte sur le raisonnement.

 

 Où le socialisme soviétique ou celui des pays de l’Est devenait un immense goulag, un enfer, qui ne pouvait qu’être rejeté puisque les gens qui le « subissaient » ne pouvaient rien posséder, ni choses, ni même leur propre pensée, ni leur âme jusqu’à assimiler ces sociétés au nazisme et à sa barbarie sans que cela ne soulève de réactions critiques pour le moins ou indignés chez nos « élites » alors qu’en se moquant du bilan positif de Georges Marchais ces mêmes élites balançaient sans nuances ce que furent ces pays, niant totalement certains succès, noircissant à l’excès leurs ombres et n’y voyant aucune lumière alors que depuis la fin du socialisme et encore de nos jours des millions de gens en ont la nostalgie pour diverses raisons et la première qui était celle de la sécurité de l’emploi et l’accès â la culture. Alors que l’on peut se demander légitimement ce que serait devenu notre monde sans la victoire de l’armée rouge sur le nazisme même si il est juste et légitime de condamner les crimes commis sous la direction de Staline et d’autres dirigeants car il ne peut y avoir de socialisme sans démocratie ni libertés individuelles. 

 

Comment dans ces conditions de dénigrement du socialisme, de toute perspective d’émancipation du prolétariat et de vive dégradation de sa vie, ne pas comprendre que le prolétariat en soit venu à s’abstenir massivement surtout après la trahison des fameuses élites qui ont piétiné le référendum sur la constitution européenne de 2005 ? 

 

La stratégue capitaliste a fonctionné parce que celle des communistes n’était pas suffisamment marxiste et clairvoyante, trop  dépendante d’alliances électoralistes, sans doute trop bureaucratique, pas assez à l’écoute des militants ouvriers, des milieux populaires et des penseurs comme Michel Clouscard, ni même de penseurs étrangers vite catalogués comme « staliniens » ou « orthodoxes ». 

 

Depuis 2018, sans doute ce qui restait de plus marxiste et révolutionnaire au sein du PCF a décidé d’organiser la riposte unitaire au sein du parti pour ne pas laisser la fraction liquidatrice l’emporter. C’est de cette réaction salutaire que la parti a produit un Fabien Roussel ou encore un Léon Deffontaines même si l’orientation nouvelle des jours heureux reste à développer notamment avec la création de cellules sans lesquelles elle ne pourra devenir pleinement efficace et sans l’impérieuse nécessité de former des adhérents et des dirigeants au marxisme vivant. 

 

Peut-être que ma réflexion suscitera des réactions ? Je le souhaite vivement. 

 

Jean-Paul LEGRAND 

 

Le court extrait du film de la scène du gigot de Vincent, François, Paul et les autres est visible ici après la publicité :

 

https://youtu.be/E-QYzQwRmC0?si=1Y6VnAG6WqmSnHk9

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos


Voir le profil de Jean-Paul Legrand sur le portail Overblog