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Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006

Marxisme : à propos de la baisse tendancielle du taux de profit (partie 1)

RÉSUMÉ S. BILLOT

Sylvain Billot

Pour une explication marxiste de la crise (à partir du Livre III du Capital)

Conférence n°2 du 13 octobre 2014 à l’Amphi Roussy (Campus des Cordeliers)

Michel Gruselle ouvre la séance avec quelques informations sur les prochaines activités du CUEM et annonce l’ouverture du site « cuem.info » où l’on trouvera les informations relatives aux conférences.

Jeannine Morandat-Gruselle présente le conférencier, cadre à l’INSEE, au Service des Aggrégats (le ser vice qui calcule le PIB) et auteur de plusieurs publications. Il a participé à la rédaction du « Petit bréviaire des idées reçues en économie » avec les Éconoclastes (La Découverte), à l’ouvrage « La politique écono mique : mondialisation et mutations » (sous la direction de Thierry Pouch) chez l’Harmattan, et au Collo que « Penser l’émancipation » à Nanterre en 2014.

Introduction

Comme l’indique le titre de son exposé, Sylvain Billot se propose de présenter une explication marxiste de la crise, avec d’autres points de vue puisqu’il n’existe pas de consensus parmi les mar xistes sur le sujet. Mais auparavant, il faut revenir sur quelques concepts de base.

Valeur et plus-value. La marchandise, bien ou service, a deux aspects : (a) une valeur d’usage(elle peut être consommée pour satisfaire un besoin) et (b) une valeur d’échange qui traduit le fait qu’un peut être échangé à un certain prix sur le marché et que cet achat traduit la reconnaissance sociale du travail qui l’a produit[1]. Derrière la valeur d’échange, il y a une certaine dépense de for ce de travail qui se traduit généralement dans une marchandise particulière, la « valeur-monnaie » (un équivalent général qui remplace le troc). La valeur de la marchandise a donc deux mesures, (a) le temps de travail « socialement nécessaire » pour la produire et (b) le prix. Cette valeur est « réalisée » dans la sphère de la circulation.

Pour produire, le capitaliste achète (1) des moyens de production (le capital constant), c’est-à-dire des matières premières, des machines, des bâtiments, et (2) la force de travail de ses employés (le capital variable). La valeurde la marchandise produite comporte deux composantes : une partie de la valeur des moyens de production lui est transmise à quoi s’ajoute la valeur du travail effecti vement dépensé pour la produire. Cette valeur correspond au temps de « travail vivant » qu’elle a necessité.

L’exploitation capitaliste se caractérise par le fait que la valeur produite par la force de travail est toujours plus importante que la partie de cette valeur qui revient au travailleur sous forme de salaire. Cette différence est le surtravail ou « plus-value ». En d’autres termes, la force de travail est une marchandise dont la caractéristique (la valeur d’usage) est de produire plus de valeur qu’elle n’en coûte. La journée de travail permet de concrétiser les choses. Une première partie de la jour née de travail correspond au temps nécessaire pour produire la valeur des biens consommés par le travailleur pour reconstituer sa force de travail (le salaire). La seconde partie, correspond au sur travail, à la plus-value accaparée par le capitaliste, que celui-ci utilise à sa guise et dont une partie traduit l’exploitation.

La grandeur suivante, le « taux de profit », est essentielle pour l’analyse marxiste de la crise :

Le taux de profit est le rapport entre la plus-value et le capital investi. Il mesure la rentabilité du capital et par conséquent la santé économique du capitalisme.      [7 min]

Taux de profit = PL / C+V = (PL/V) / (C/V + 1) = e / co + 1

C = capital constant avancé (valeur des moyens de production)

V = capital variable avancé (salaires)

C/V = composition organique du capital = co

PL = plus-value = valeur créée par les travailleurs diminuée du capital variable ; la plus-value est soit accumulée (augmentation de C et/ou V, soit consommée de façon improductive

C+V+PL = valeur des marchandises produites

e = PL/V = taux d’exploitation (rapport entre la part de valeur ajoutée accaparée par les capitalistes et la part de la valeur ajoutée qui revient aux travailleurs)

Le taux de profit dépend à la fois de l’exploitation des travailleurs (il baisse lorsque celle-ci dimi nue) et de la composition organique du capital (il baisse lorsque le capital constant – les machines – augmente). Marx a établi une loi de la baisse tendancielle du taux de profitqui est eu centre de notre analyse.

La reproduction élargie du capital. Au Livre II du Capital, Marx définit plusieurs schémas de reproduction du capital, et il distingue le « procès » de la production des moyens de production (le « Département I ») et celui de la production des biens de consommation (Département II »). Mais globalement, en partant d’un capital monétaire A (pour « Argent »), le capitaliste produit différents types de biens (et de services), qui sont des marchandises (M) dont la vente (circulation) donne un capital monétaire A’ plus important que A (puisqu’il incorpore la plus-value). Le cycle A-M-A’ est la reproduction élargie du capital. La plus-value a plusieurs destinations possibles : elle peut être consommée par les capitalistes, réinvestie sous forme de capital constant ou variable supplé mentaire, ou prélevée sous forme d’impôts pour financer le secteur public produisant des services non-marchands (qui ont une valeur d’usage mais aucune valeur d’échange).

Les deux fractions de la classe capitalistesont distingués par Marx dans le Livre III. Il définit (a) les capitalistes actifs – c’est-à-dire le capital-fonction – et (b) les capitalistes financiers, c’est-à-dire le capital-propriété. Au début, ces deux aspects sont réunis dans la même personne. Puis intervient une division du travail. Les financiers prêtent aux capitalistes actifs, entrepreneurs ou marchands, ce qui entraîne la division du profit en deux composantes :       [14 min 35]

(a) Les intérêts et dividendes des porteurs d’obligations et des actionnaires.

(b) Le « profit d’entreprise » qui rémunère (entre autres) les hauts dirigeants et les cadres supérieurs qui sont formellement salariés mais auxquels le capitaliste a délégué une partie de ses fonction et qui assurent la production et l’exploitation.

Cette dissociation introduit la notion de « capital fictif » qui concrétise le rôle du capital financier. Ce titre financier est un droit de tirage (de propriété) sur une partie de la plus-value future. Ce « capital fictif » doit être distingué du capital réel. Sous forme de titres, échangés comme des mar chandises, il fait l’objet de transactions sur les marchés financiers. Déconnectés du capital réel (le capital investi dans la production), ces titres acquièrent une vie propre qui donne lieu périodique ment à des « bulles » spéculatives. On se souvient, par exemple, de ce qu’avant la crise de 2007-2008, le CAC40 était en augmentation alors que l’économie réelle stagnait.

Mais l’autonomie du « capital fictif » à des limites car si ce droit (titre de propriété) à la plus-value future n’est pas réalisé (si la plus-value en question n’est pas acquise), on a des phénomènes de bulle financière, de panique et de krach boursier. Pour cette raison, les « profits des entreprises » doivent être examinés de près car si les profits sont composés de titres non réalisés (= non cou verts par des marchandises vendues), la situation peut se dégrader. Seuls les profits réels permet tent d’évaluer la rentabilité d’une entreprise.

La baisse du taux de profit.            [24 min 40]

Pour résister aux concurrents, les capitalistes sont incités à investir dans des machines (augmenta tion du capital constant) pour diminuer la main d’œuvre qu’ils emploient (diminution du capital variable). Ils substituent ainsi du « travail mort » au « travail vivant ». Individuellement, les capita listes ont intérêt à innover pour prendre « des parts de marché » à leurs concurrents au détriment desquels ils obtiennent une « plus-value extra« . Mais collectivement, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis car le résultat global est un excès de de capital constant (suraccumulation). La nécessité apparaît donc de purger (dévaloriser) une partie du capital global excédentaire, ce qui se produit avec la disparition d’une partie des capitalistes.

La Figure suivante montre l’évolution du taux de profit des entreprises américaines depuis 1929. 

Image Billot

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