Je suis un fils de mai 1968. Je suis un héritier de ce grand moment de notre histoire. Je n'avais que dix ans mais ce fut dans les années
suivantes que je me suis engagé très tôt en politique. Dans les années 70 je rejoignais la jeunesse Communiste, je m'engageais contre la guerre au Viet-Nam, je me lançais à fond pour la
solidarité avec le Chili, je soutenais la révolution portugaise tout en souffrant de voir les soviétiques imposer au nom du communisme un régime qui n'avait rien à voir avec mon idéal même si
j'espérais qu'il puisse se réformer sous l'impulsion des progressistes des pays de l'Est.
J'écrirai plus tard, sur mon blog, mes souvenirs de lycée, mes souvenirs des luttes et des moments de fraternité si intensément vécus durant toutes ces années. Ce fut le commencement
d'une vie militante d'une grande richesse.
Quand je vois aujourd'hui mes fils participer aux manifs lycéennes, j'ai au cœur tous ces souvenirs : ils ont raison nos gosses de se bouger contre le massacre de notre école publique et pour que
le savoir ne soit pas une marchandise mais un droit pour tous !
Mai 68 ce n'est pas seulement des barricades au quartier Latin, pas seulement des grèves ouvrières et des conquêtes sociales importantes, mai 68 c'est une critique radicale et
pratique d'un ordre existant qui est celui du capitalisme et de ce qu'il porte inéluctablement : la coercition, la répression, l'autoritarisme, la haine, la division, le racisme,
l'exploitation, l'aliénation, etc...Mai 68 c'est le droit au rêve, le droit d'imaginer qu'un jour nous n'aurons plus besoin d'Etat, ni d'armée, ni de frontières, ni de patrons, que
nous inventerons une liberté jamais connue par notre coopération et notre travail mis en commun, que nous n'aurons que pour seul horizon la fraternité humaine. Je publie ci
dessous la remarquable chanson de Léo Ferré et dont Jean Ferrat a composé la musique "L'âge d'or". Mai 68 c'est l'âge d'or maintenant, tout de suite, c'est la révolution vécue non seulement comme
une aventure collective mais aussi comme un engagement individuel qui n'est guidé par aucun parti, aucune injonction institutionnelle, mai 68 c'est la conscience totale que j'existe par et pour
les autres et non pour un Etat, pour un pouvoir, ou encore pour les profits boursiers de quelques-uns !
Mai 68 vibre dans toute notre société. Le pouvoir Sarkozyste le sait et en crève de trouille ! Si tel n'était pas le cas, pourquoi évoque-t-il encore le souvenir de mai 68 pour le salir et le
réduire à une caricature grossière et pleine de haine. Mai 68 est trop subversif pour la grande bourgeoisie. L'esprit de 68 vibre partout comme par exemple dans ce qui vient de se passer avec
l'acquittement de Lydie Debaine.
Lydie Debaine a tué sa fille de 26 ans, handicapée, emprisonnée inéluctablement dans ses souffrances. Elle a tué sa fille pour en finir avec l'inhumanité qu'elles vivaient toutes les
deux. Lydie Debaine a eu le courage de commettre cet infanticide parce qu'elle a pu donner un sens à ce meurtre. Un sens qui a à voir avec l'Humanité, le droit à la
dignité. Cet acte terrible apportera sans doute une peine immense et certainement inconsolable à cette mère qui en est venue à retirer la vie à son enfant.
Un drame, une souffrance incommensurable. Et pourtant je ne peux que m'incliner devant ce qu'a commis cette dame. Comment pourrais je juger ? Lydie Debaine a commis un crime, et
pourtant je veux dire mon respect pour cette femme. Ce fait dans l'actualité nous interpelle au plus profond de ce que nous sommes. Parce que nous aimons l'Humanité nous savons que nous ne
pouvons transgresser les interdits qui protègent les droits de l'Homme. Mais nous savons aussi que l'Humanité ne réside pas seulement dans les lois,les règles et les droits les
meilleurs soient-ils, elle est aussi dans notre humilité, dans notre capacité a reconnaître nos faiblesses, nos défaillances, à accorder notre compassion et notre solidarité, notre compréhension
et notre amour.
Laissons nous emporter par la poésie de ce texte magnifique de Léo Ferré et pour ceux qui connaissent la musique, ne vous empêchez pas de le chanter, un moment de pur bonheur : L'âge
d'or
Nous aurons du pain,
Doré comme les filles
Sous les soleils d'or.
Nous aurons du vin,
De celui qui pétille
Même quand il dort.
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches
Et, le plus souvent,
Lundi sera dimanche.
Mais notre âge alors
Sera l'AGE D'OR.
Nous aurons des lits
Creusés comme des filles
Dans le sable fin.
Nous aurons des fruits,
Les mêmes qu'on grappille
Dans le champ voisin.
Nous aurons, bien sûr,
Dedans nos maisons blêmes,
Tous les becs d'azur
Qui là-haut se promènent.
Mais notre âge alors,
Sera l'AGE D'OR.
Nous aurons la mer
A deux pas de l'étoile.
Les jours de grand vent,
Nous aurons l'hiver
Avec une cigale
Dans ses cheveux blancs.
Nous aurons l'amour
Dedans tous nos problèmes
Et tous les discours
Finiront par "je t'aime"
Vienne, vienne alors,
Vienne l'AGE D'OR.