Politique, culture, éducation, formation pour la vie démocratique - blog créé le 10 mai 2006
30 Juillet 2008
Pendant les vacances, la discussion continue. La lecture des contributions adressées au forum de discussion (1) confirme le caractère « existentiel » du débat ouvert entre les militants communistes dans la préparation de leur congrès de décembre. Dans le seul mois de juillet, plus de soixante-dix contributions ont été publiées (2). On aura rarement autant parlé de communisme dans la préparation d’un congrès du PCF. Par quel projet émancipateur crédible et original les communistes, aujourd’hui si affaiblis, peuvent-ils être identifiés et reconnus ? L’histoire du communisme du XXe siècle, sous sa forme soviétique, est-elle « un bagage trop lourd à porter » ? Oui, répond Gilbert Bernard, de la Haute-Vienne. Même si le PCF a connu « des moments admirables », l’échec des régimes dits « communistes » a eu un impact plus fort que les assurances données par les communistes sur leur projet, bien différent du modèle soviétique. « Soyons lucides, écrit-il, le communisme n’est plus porteur d’espoir dans le monde et la France d’aujourd’hui. » Et le PCF n’est plus « le parti dont nous avons besoin pour mener la lutte des classes dans les conditions d’aujourd’hui. » Il est en revanche le mieux placé pour « donner le signal en faveur de la création d’une nouvelle force politique ».
Cette position tranchée n’est pas partagée par la majorité des participants au forum, quelles que soient par ailleurs leurs opinions sur l’ampleur des changements qu’il convient de décider. Ce qui doit changer au Parti communiste. Christiane Leser (Val-d’Oise) ne veut pas se contenter d’une « rénovation » qui ne toucherait pas à la « matrice originelle » (la révolution bolchevique de 1917) - « ce serait une catastrophe ». Il faut au contraire « métamorphoser » le PCF, fonder un Parti communiste en rupture avec des conceptions et des pratiques dépassées et en même temps fidèle à l’idéal, aux espoirs, au courage et à la créativité des centaines de milliers d’hommes et de femmes qui ont fait le PCF ». « Rénover ou transformer le PCF ? », c’est aussi la question posée par Daniel Brunel. Pour le vice-président du conseil régional d’Île-de-France, le devenir du PCF ne peut se traiter en dehors de l’avenir de la gauche. Et notamment de « la refondation de transformation sociale et écologiste qui, nécessaire à terme, ne peut être traitée si on ne pose pas la question de la place de la composante communiste, donc de sa forme organisée dans les mouvements qui peuvent s’opérer ». L’apport du communisme est de porter l’idée que toutes les formes d’exploitation et de domination ne sont pas des lois intangibles des sociétés humaines. Sur cette conviction l’unité des communistes peut se réaliser, estime Daniel Brunel.
« Le communisme, écrit Alain Janvier, ce n’est pas tant un idéal que la réponse à des besoins forts qui frappent à la porte de l’humanité. Et, de son côté, Bernard Lamirand, de la cellule du site Arcelor de Montataire (Oise), lance des pistes : la gratuité de l’eau, les transports gratuits pour le travail et la recherche d’emploi, les actes de santé remboursés à 100 %… Le militant s’inquiète au passage qu’au moment où le libéralisme destructeur des valeurs collectives rencontre des difficultés nouvelles (…), ce n’est pas le moment d’abandonner les concepts communistes et le PCF, comme certains s’y dirigent. » L’exaspération sourde de certains messages. À l’instar de Yacine Houichi, animateur de la Jeunesse communiste à Montreuil, qui se plaint des frictions internes entre les « rénovateurs » et les « orthodoxes » « Au lieu de proposer des alternatives aux citoyens, nous perdons notre temps dans des querelles internes qui ne nous apportent que la division du parti. »
Le refus de la division, l’exigence de respect de la démocratie interne revient souvent. Roger Dupas, de Bretagne, se montre particulièrement sévère : « Quel crédit accorder à une organisation dont la direction est en permanence en désaccord, y compris soutien des candidats opposés ? (…) comme ce fut le cas à la présidentielle malgré un vote majoritaire des adhérents. Je crois que cela ne peut plus durer. Les tendances sclérosent le débat, le transforment en lutte de clans. » Mais pour Pierre Zarka, « la créativité personnelle et une organisation unifiante sont les indispensables conditions d’une force transformatrice du XXIe siècle. Ce n’est plus le Parti qui labellise ses membres pour en faire ses transmetteurs, ce sont eux qui décident de le former ». Disparaîtrait la verticalité d’appareil laissant la place à une « fédération de militants ». Il faut, reprenant une formule employée lors du Congrès fondateur de Tours (1920), avoir l’audace de « changer la vieille maison » Cette conception n’est pas celle d’Alain-François Bouvier, de Bagneux, qui soutient que « le Parti est lieu de la réflexion collective par la confrontation des réflexions individuelles (…), il ne peut être question de le remplacer par une idée d’outil collectif non défini ».
En ce 160e anniversaire de la publication du Manifeste du Parti communiste, Karl Marx est le personnage le plus cité dans les contributions, de toutes sensibilités. Signe d’un questionnement des communistes qui se sentent entre le besoin de retour aux sources et la nécessité de s’atteler à un projet communiste pour le monde d’aujourd’hui. Avec la conviction partagée que l’un ne va pas sans l’autre. C’est pourquoi l’accent est si souvent mis sur la formation des militants, comme l’écrivent les communistes de Limay dans une longue contribution collective : « Les communistes doivent disposer d’un bagage politique leur permettant de comprendre la société dans laquelle ils vivent. »
(1) alternativeforge.net
(2) Dans nos éditions précédentes, nous avons présenté les contributions
de Marie-George Buffet, d’André Gerin
et de Roger Martelli.
Jean-Paul Piérot
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